What I create is chaos // THADDEUS

18/05/1885
« Thaddeus sweet heart, tu es rentré ? »

La voix de sa mère retentissait encore dans ses oreilles, après toutes ces années. Il revoyait la lumière qui filtrait sous la porte menant au living room, à peine venait-il de passer le seuil de la maison familiale à une heure avancée de la nuit. Il n’oublierait jamais la vision de sa mère, à peine vêtue, une main sur son ventre bien rebondit, enfoncée dans le sofa, entourée de fioles de potions anxiolytiques, le regard hagard. Ses gestes lents, tandis qu’elle se relevait de son canapé et qu’elle s’avançait vers lui, le corps engourdi comme une créature venue du froid.

« Je ne t’attendais pas avant demain matin, ne m’avais-tu pas dit que tu dormirai chez Jack ? » C’était à ce moment là que les yeux du garçon de neuf ans s’étaient posés au sol, sur la paire de jambes masculines qui dépassait de la porte de la cuisine. « Ton père s’est assoupi, il a encore beaucoup bu. » Elle s’était alors accroupie devant lui, chancelante, et avait manqué de tomber à la renverse, emportée par son hébétude et le poids de son ventre, se rattrapant à son fils pour se tenir à sa hauteur. « Mais ne t’en fais pas, les amis d’oncle Odhran vont venir le chercher pour le mettre en sécurité dans un lit »

Elle ne l’avait jamais réellement vu grandir, elle n’avait sûrement jamais envisagé le fait que le petit Sweeney avait tout de suite compris ce qu’il s’était passé. Elle pensait sans doute qu’il ne voyait pas son père s’enivrer depuis des années, qu’il ne se doutait pas que l’alcool et les potions étaient la cause de toute la violence qu’il subissait depuis petit. Qu’il n’avait pas vu sa mère plonger dans la folie, et qu’il ne passait la majeure partie de son temps à l’extérieur que pour profiter du grand air et du quartier d’Augureyville.
Parfois l’image du cadavre de son père lui revenait en tête, sans doute mort étouffé dans ses vomissures. La vie d’après n’avait pas été plus simple non plus. Il avait continué de vivre avec sa mère, protégeant sa petite soeur de tout ça du mieux qu'il avait pu, et de paraitre aux yeux de sa génitrice le sage petit garçonnet qu’elle imaginait. De temps en temps un homme venait à la maison, et il ne faisait rien, à part surveiller le garçon et la petite lorsque sa mère n’était plus en état de s’occuper de qui que ce soit, ou pour les emmener manger un bout dehors, sans doute pour être assuré qu’ils soient bien nourris. Il avait avec le temps fini par comprendre que son oncle avait préféré les laisser vivre avec sa soeur et s’assurait juste qu’ils survivent, avant qu’ils ne soient envoyés à Ilvermorny où ils n’auraient plus besoin de son aide.

✧ Thaddeus est le maître de deux dobermans : Balor et Ogme. Des noms de divinité pour ceux qui sont pour lui comme des fils. ✧ Parmi ses nombreuses addictions, les sports de combats rayonnent de par les traces qu’ils laissent sur son corps. La boxe comme exutoire, qui ne suffit malheureusement pas pour assouvir ses pulsions. ✧ Père de deux enfants, il ne sait pas se comporter comme tel avec eux. Tantôt sur-protecteur, tantôt aux abonnés absent, d’aucun diront qu’il aime plus ses chiens que sa descendance, mais il n'en est rien ✧ Même si cela ne se devine pas au premier coup d’œil, l’irlandais est très sensible à l’humour. Il se laisse même aller à faire quelques blagues lorsqu’il se sent à l’aise ou qu’il a quelques coups dans le nez (au sens liquide comme poudreux), ce qui m’arrive pas si rarement que ça  

TW : le texte ci dessous contient des suggestions d’images pouvant être dérangeantes (crime, sang ...)
25/09/1918
« Thad ! Thad arrête. C’est bon. THADDEUS ! »

Chaque appel raisonnait dans la tête de l’intéressé avec une distance telle qu’il n’aurait su dire si tout ceci n’était que le fruit de son imagination ou la réalité. Tout ce dont il se rendait compte, c’était des gestes mécaniques qu’exécutait son corps, le cerveau à milles lieux de réfléchir à ses mouvements. Il ne sentait que le froid et l’humidité sur ses jambes, comme s’il était agenouillé dans de l’eau. Un liquide tiède sur les mains et le visage, il se voyait empoigner sa baguette avec tant de force que ses phalanges avaient blanchi. Il avait le souffle court, mais ne comprenait pas pourquoi. L’appel répété finissait pas le sortir de la torpeur, comme une lumière venue dans la nuit, projetant sa lueur sur la pénombre du quadragénaire.

« Thaddeus répond moi ! »

Cette fois-ci, deux mains l’avaient fermement empoigné par les épaules pour tenter de le secouer, en vain. Le visage de sa soeur apparu dans son champs de vision, dissipant d’un seul coup l’état végétatif dans lequel le Sweeney se trouvait.
Il prit conscience de ce qu’il se passait, et baissa les yeux sur une scène qui désormais ne lui faisait ni chaud, ni froid. Posant une main dans la marre de sang au sol, il se releva avec lourdeur, détendant ses muscles crispés durant de longues minutes. S’essuyant d’un revers de main le nez, il comprit qu’il avait le visage maculé d’hémoglobine, éclaboussures sinistres de jaillissements engendrés plus tôt par ses sorts.
Autour de lui, la nature s’agitait dans l’obscurité, silencieuse témoin des atrocités de cette nuit de septembre. Face à lui, il regarda sa soeur porter la main à la bouche, prise de haut de coeur, pourtant habituée.

« Mais qu’est-ce qu’il t’a prit bon sang ? » Le ton était accusateur, ce qui lui mis un coup dans les tripes.

Il savait. Il se rendait bien compte que tout ceci ne s’était pas déroulé exactement selon le plan. Ils devaient tendre une embuscade, Liam et lui, et mener leur victime à l’extérieur de la ville. Thaddeus était sensé le rejoindre dans un des bars d’Augureyville lorsque le boulot serait terminé. Au lieu de ça, cela faisait plusieurs heures qu’il était là, à user de stratagèmes pour torturer ce qui n’était désormais plus qu’un bout de viande sanguinolent, dispersé un peu partout dans l’herbe autour d’eux. La mise à mort était devenue pour lui une source de plaisir malsain, depuis quelques mois. Il se sentait glisser doucement de l’autre côté de la barrière, incapable de réagir à temps.

« Je ne sais pas » Mensonge. La torture est un sport qui se joue à plusieurs, mais Thad préférait savourer ça en solitaire. « Tu ne diras rien ? »

Ca ne servait à rien de se voiler la face. Il savait bien que personne ne le comprendrait. Aussi solidaires soient-ils, tout le monde le traiterait de monstre. Seule Sina savait. Il ne pouvait en être autrement, il ne savait rien lui cacher.
Baissant les yeux sur ses vêtements trempés, il descendit jusqu’à un ruisseau pour se rincer le visage et se déshabiller. Le froid hérissa ses poils, et il entreprit de nettoyer tout ça avec sa baguette. Sa soeur ne lui avait pas répondu, mais s’était mise au travail en lui jetant un regard dont eux seuls avaient le secret.
Au moins, sans corps à déplacer, nettoyer cette scène de crime ne lui prendrait pas la nuit.