1884 Naissance d'Ella Fitzgerald, première enfant d'Alannah Maguire et de Thomas Fitzgerald
1892 Naissance de Joseph Maguire, fils d'Alannah et d'une relation éphémère.
1897 Mariage d'Alannah et de Kai Sheehan.
1899 Fugue d'Ella & Joseph.
1901 Entrée de Joseph à Ilvermorny, réparti à Jistu.
1903 Ella quitte Ilvermorny et trouve son premier appartement dans le sud de Chicago, elle y vit avec Joseph.
1912 Joseph termine ses études et part vivre en Irlande.
1920 Il revient à Chicago après avoir reçu une lettre de sa sœur.
L'enfant
L'effervescence d'une naissance qui approche, la perspective d'une réjouissance depuis longtemps désirée se profilant pudiquement, la joie voire le bonheur d'entendre les cris d'un nouvel être vivant dans le foyer, tout ça fut pour Ella très rapidement noyé par la dépression insidieuse et corrosive d'Alannah Maguire, sa mère. Comment se réjouir de l'arrivée d'un demi-frère quand votre propre mère n'avait même plus goût à la vie ?
Le baby-blues n'était-il pas censé arriver
après l'accouchement, d'ailleurs ? Depuis que coup sur coup deux hommes l'avaient rejetée, juste avant que ne le fasse l'intégralité de sa famille, le quotidien semblait plus aride encore pour la jeune trentenaire artiste qu'était Alannah. Elle ne pouvait plus danser et ses deux grossesses en l'espace de 5 ans avaient vite fait de tuer tout espoir de percer dans le milieu. Elle était
out.
Joseph, toutefois, découvrit le monde qui l'entourait dans une sphère d'amour, de protection et de tendresse. Celle de sa sœur.
Il était le chouchou d'Ella, mais pas uniquement : ses beaux yeux et sa bouille d'ange attiraient la sympathie des gens. Sa sœur - demi-sœur même - de surcroit, le protégeait de toute agression extérieure. Véritablement à l'abri de tout danger, il grandit dans une bulle d'innocence et de naïveté, posé sur un nuage de rêves et de projets oniriques, où seule la perspective d'une vie artistique remplie de musique, de danse et de cinéma le guidait.
La relative paix instaurée par Ella dans un foyer où une mère alcoolique forcée aux pires turpitudes pour faire vivre ses enfants, vola en éclat quand Alannah rencontra Kai Sheehan. Très rapidement, le patron de bar aussi fréquemment imbibé vint habiter Willow Spring Road avec Alannah et Joseph. Le confort d'une maison, d'une femme au foyer et d'un enfant à sa disposition avait ses avantages.
Les fois où Joseph -irrémédiablement séparé d'Ella, partie à Ilvermorny - reçu la visite nocturne de Kai dans sa chambre, ne se comptèrent plus très rapidement sur les doigts des deux mains. Le petit sorcier, alors âgé de 5 ans, abusé par une situation qui le dépassait complètement, forgea une partie de son caractère avec la première et seule représentation masculine de sa vie. Il comprit alors très vite, encouragé par les remontrances violentes de son premier papa, qu'il devait 'ressembler d'avantage à un garçon', arrêter de se déguiser avec les vêtements de sa sœur et par dessus tout perdre ses 'mimiques de fille', bien qu'il ignorait ce que ça voulait dire. Il savait juste que Kai, qui semblait enfin redonner le sourire à maman, était très en colère le jour – et tous les papas du monde rossaient leur enfant quand ils le méritaient, c'était normal – mais semblait cependant se radoucir la nuit. Joseph comprit vite pourquoi : une fois que les habits rapiécés et usés par le temps jonchaient le sol de sa chambre, Kai était de bien meilleure humeur.Le protecteur
Ella ne mit pas longtemps à remarquer que son petit frère avait changé. Elle ne compris par exactement ce qui s'était passé avec Kai, mais était en revanche parfaitement certaine d'arriver à le tuer dans son sommeil s'il recommençait. Deux étés plus tard, devant la décrépitude visible de leur foyer, de sa mère et de Kai, qui pourtant partait de loin, l'adolescente fugua avec Joseph.
La rue devint alors leur nouveau foyer.
Voir sa sœur vendre son corps pour un bout de pain n'était pas simple, mais rien ne fut plus douloureux que le départ d'Ella pour Ilvermorny. A tel point qu'elle refusa même de s'y rendre pour rester avec Joseph. Un ami de la famille guerre mieux loti qu'eux, Aida, prit secrètement cependant soin de lui durant les mois qui séparaient l'enfant de sa sœur. Elle devait étudier afin de leur offrir une vie décente, elle s'en était fait la promesse.
Les amnésies du jeune homme commencèrent à ce moment là : il lui devint de plus en plus dur de se rappeler d'évènements lambda, se retrouvant fréquemment dans des endroits dans lesquels il ne se rappelait pas être allé. De plus, continuellement habité par la peur que Kai le retrouve ou qu'Aidan – qui se révéla au final être leur unique allié durant cette période – devienne un Kai 2.0, Joseph sombra dans la dépression à son tour. Des images tourbillonnaient dans sa tête dès la nuit tombée et les journées n'étaient qu'une suite d'angoisses et d'interrogations où le petit garçon en vint même à perdre tout espoir du futur.
Fort heureusement, Ella fut rapidement rejointe à Ilvermorny par son cadet, à la rentrée 1901. Jonchée sur un des balcons du hall d'entrée le jour de l'attribution, la boule au ventre, elle regarda avec appréhension pour la première fois de sa vie son frère pénétrer dans l'école de magie.
Une fois l'enfant Maguire devant lui, quand le Puckwoodgenie lâcha sa flèche, la sorcière aux cheveux de jais lâcha un petit sourire. Joseph avait toujours été guidé par le cœur, c'était donc sans surprise de le voir réparti là-bas. Bien que les valeurs défendues par le Serpent Cornu, ne put elle s'empêcher de penser également, lui ressemblaient d'avantage. C'est d'ailleurs pourquoi elle crut se tromper quand le cristal de ce dernier se mit à briller, à l'instant où elle le regardait avec regret. Certainement une illusion d'optique : des quatre, la réaction de la statue du Serpent Cornu était la moins aisée à discerner.
Aucun doute cependant ne fut permit quand la majorité des élèves s'exclamèrent de surprise : le rugissement du Womatou avait toujours fait cet effet là.
Ella se redressa.
Que se passait-il, exactement ?
Les réactions multiples des statues étaient loin d'être légion à l'attribution et c'était son frère, comme par hasard, qui en était l'auteur.
Ça n'avait en réalité que
très peu de sens. Que Joseph soit à la limite guidé par le cœur
et par l'esprit passait encore, mais par le corps,
à aucun moment.
Joseph n'avait rien de sanguin et n'avait jamais été prêt à se battre. Il était d'un naturel patient, pondéré, juste et plutôt calme. Souvent protégé par sa sœur, une pure Womatou justement, il n'avait eu que très peu d'occasion de véritablement être en conflit avec quelqu'un.
La situation était si lunaire et inexplicable qu'Ella fut à peine surprise de voir le Jistu frappait plusieurs fois de sa patte le sol de l'école, dans l'hystérie générale. De mieux en mieux : Joseph était un
aventurier maintenant ! Quelque chose ne tournait pas rond.
A moitié engloutie par les réactions des autres élèves qui peinaient à cacher – comme il était de coutume de le faire – leur intérêt devant cette avalanche de réactions, Ella s'accrocha à la rambarde pour scruter avec avidité le choix de son demi-frère. Il lui avait toujours dit qu'il choisirait sa maison à elle s'il en avait l'occasion, bien que cette éventualité les ai toujours beaucoup fait rire. A aucun moment, ni Jo ni Ella ne s'imaginaient étudier ensemble à Womatou.
Elle ne comprit donc pas pourquoi le choix de son cadet fut aussi douloureux à encaisser.
La déception de ne pas pouvoir prendre soin de lui de près et le pincement qu'elle ressentit au cœur sur le coup, mirent du temps à s'estomper. A l'inverse de l'incompréhension de la sorcière face au choix de son cadet : aujourd'hui encore, elle date la divergence de leurs chemins à cette journée.
L'aventurier
Dès qu'elle le put, à la fin de ses études et quand elle eut suffisamment d'argent pour le faire, Ella trouva une chambre de bonne dans le quartier sud de Chicago. Joseph vint y vivre chaque été : privé de foyer, la demi-sœur qu'il ne voyait que durant les vacances changeait au rythme des saisons et des années. Lui aussi.
Progressivement endurcie et désenchantée par les aléas de la vie d'adulte, Ella se battait au quotidien pour se faire un nom en tant que chanteuse, mais également et surtout pour avoir suffisamment d'argent afin de simplement conserver un logement.
Cependant, le Joseph adolescent changeait et elle peinait souvent à le reconnaître. De vacances en vacances, il se fermait de plus en plus à elle et changeait drastiquement du sorcier facile à vivre avec qui elle avait grandi.
Il était tantôt un adolescent torturé coincé dans les méandres poisseux de son enfance, tantôt un jeune homme dur et colérique avec qui elle réussit même plusieurs fois à se prendre le bec.
Fort heureusement les soirées ensoleillées d'été étaient l'occasion de retrouver à de maintes reprises son cadet : le garçon généreux et rêveur qu'elle avait vu grandir, pragmatique et à la fois ambitieux, les yeux pleins d'étoiles et la tête pleine de fantasmes.
Ses amnésies devenaient en revanche de plus en plus fréquentes et toujours plus compliquées à gérer. Légion étaient les discussions qu'il oubliait et les personnes dont il ne se rappelait plus le nom.
En son tréfond, Ella soupçonnait les vicissitudes d'une pathologie mentale, résultat évident d'une présence prolongée avec leur pourriture de beau-père. Elle rejetait cependant à chaque fois cette idée, bien trop désargentée pour songer à en parler à quiconque et persuadée que sa seule présence et l'amour qu'elle lui portait aurait raison de tout.
Les vacances d'été suivantes se passèrent plutôt bien. Ella – qui jonglait habilement avec gloire et paillettes dans divers cabarets et dettes à rembourser à des gens peu recommandables – ignorait complètement que Joseph, le reste de l'année, passait par des phases de dépression plus ou moins violentes. Elle fut donc très surprise de constater le départ de ce dernier pour l'Irlande dès la fin de sa scolarité.
Elle voyait bien que rester à Chicago le faisait beaucoup souffrir, sans toutefois comprendre pourquoi par moment ses réactions étaient si solaires, pleines d'optimisme et tournées vers un futur radieux dans le monde du spectacle.
Par soutien, elle accepta de le voir partir pour Dublin, mettant de côté ses propres déceptions afin de le rendre le plus heureux possible. Elle lui promit de lui envoyer tous les mois une somme d'argent pour qu'il ne goûte plus jamais à la rue ni à la pauvreté, cachant au passage ses propres difficultés financières à ne serait-ce que vivre décemment.
Pendant plusieurs années leurs seuls échanges se firent par écrit. Ella continua de se faire un nom, gagnant en réputation mais aussi en force, désormais seule dans une vie qui ne lui faisait aucun cadeau. Pendant ce temps Joseph devenait comédien et écumait castings après castings pour tenter de percer. Son amour du spectacle lui devint un peu plus clair quand il apprit par courrier que sa sœur avait de forts soupçons sur l'identité de son géniteur, jusqu'alors inconnue. A la croire, Alannah aurait jadis eu une aventure avec un Sternberg que ça n'aurait pas été plus surprenant que ça. A quoi bon le savoir ? Joseph exécrait toute image parentale masculine. Ça ne changeait rien pour lui.
Il prit en revanche sa sœur en exemple sur de nombreux points de caractère et devint avec le temps moins naïf et plus joueur, plus malin et moins candide : le monde du spectacle n'était au final qu'un vaste cirque où celui qui gagnait était toujours le clown qui faisait le plus beau sourire.
Il prit la décision – avec beaucoup de réticence – de revenir à Chicago après la réception d'une énigmatique lettre d'Ella. Elle avait toujours été là pour lui, quel frère était-il s'il n'était pas capable de lui rendre ne serait-ce qu'un dixième de tout ce qu'elle lui avait donné ? Il la sentait perdue, seule et en difficulté, là où son ainée avait toujours mis un point d'honneur à paraître autonome et indépendante. Il devait comprendre ce qu'il se passait.