When You're Good To Ella [PV]

Guidé par une féroce envie de faire plaisir à une Ella récemment retrouvée, Joseph sortit de chez lui d'un pas leste et rapide. Caché sous un costume trois pièces, un épais manteau en daim et une écharpe claire en cachemire, le sorcier ne savait pas encore bien où aller. Il voulait juste sortir, et c'était déjà bien suffisant.
Récemment rapatrié de son Eire presque natale, le retour au pays avait été plus facile que prévu, finalement. Il fallait dire que revoir Ella saine en sauve, plus ou moins aussi équilibrée qu'avant, son habituel sourire joueur suspendu aux lèvres, était très rassurant. Il n'avait jusqu'alors pas réussi à déterminer les raisons de la rédaction de l'étrange lettre que son ainée lui avait envoyé et devait bien conclure, après quelques jours passés près d'elle, qu'il semblait s'être inquiété pour rien.

Si Joseph ne débutait qu'à peine dans l'exercice très peu familier de la protection de membre de sa famille - on avait jusqu'alors plutôt veillé sur lui - il était quand même suffisamment perspicace pour se douter que sa sœur - rompue à l'exercice - arrivait très aisément à le duper. C'était lui l'acteur de la famille et pourtant la sorcière était également redoutable au jeu de la comédie. Il n'était donc pas à exclure que toute cette affaire ne soit pas finalement pas du tout résolue.

Persuadé dans tous les cas qu'il n'obtiendrait rien d'Ella à coup de forcing, l'Américain décida de jouer la carte de la sensiblerie. Et pour tout dire, en réalité, un cadeau ça faisait toujours plaisir.
Satisfait de sa propre initiative - il en fallait peu - Joseph se dirigea machinalement vers le lac Michigan. Était-ce à cause du fait que l'ancien appartement de sa sœur donnait sur l'étendue d'eau ? Qu'il adorait depuis toujours l'élément liquide ? Ou qu'il appréciait l'effervescence de ce quartier là ? Nul ne le savait, dans tous les cas, c'est vers là-bas que ses pas le guidèrent. A mi-trajet il sortit de sa poche la carte qui lui avait donné l'idée de quitter son foyer : à la réflexion, aucun endroit ne serait plus parfait que les Ebbingdales pour faire son shopping.

Les yeux azur du sorcier s'attardèrent sur la carte de visite d'une dénommée Vittoria Zambeletti. Ce nom lui était vaguement familier sans qu'il sache réellement pourquoi : il avait quitté Chicago voilà longtemps, c'était très certainement un nom qu'il avait entendu à Ilvermorny.

Ilvermorny, un temps qui lui paraissait si lointain à présent. Un temps où la tourmente guidait chacun de ses pas, il s'en rappelait encore. Pas qu'elle l'ait vraiment quitté, en réalité : la vie en Irlande avait certes été plus douce mais aucun de ses démons ne l'avait vraiment jamais laissé seul. Ella n'était pas là. C'était à la fois plus facile et beaucoup plus dur : elle lui rappelait une partie de son passé qu'il voulait oublier à tout jamais mais également combien il était faible et impuissant sans elle.

- Puis-je vous demander une cigarette ? Vous êtes bien aimable.

La fumée s'échappa rapidement de sa bouche et ses yeux se perdirent dans les boucles blondes qui dépassaient du chapeau-cloche de la femme qui continua alors sa route. Ils glissèrent ensuite sur un homme fin, coiffé d'un canotier au costume noir qui traversait la rue, puis sur l'étal richement fourni d'un maraîcher pris dans une discussion passionnée avec une cliente. Sur un petit groupe ensuite, de trois hommes sortant, plus chancelants que frétillants, d'un bar à la devanture usée et ancienne. Et enfin, sur la disparition d'une femme à laquelle se cramponnaient deux petites filles hautes comme trois pommes dans une ruelle adjacente à la sienne.

Un brouillard soudain s'empara de lui et, comme absorbé par une discussion trop stimulante intellectuellement, Joseph décrocha quelques secondes. Ses pas cessèrent, son regard se fit plus lourd et une furieuse envie de bailler s'empara de lui. Presque immédiatement lui sembla t-il, Joseph porta ses mains devant son visage et les regarda fixement plusieurs secondes. Quand ses yeux se posèrent à nouveau sur la rue, il aurait été incapable de dire pourquoi il était là.
Le sorcier se retourna, s'attendant à recevoir une explication d'un tiers qui l'accompagnerait, mais le trottoir était à présent désespérément vide.
Perdu, ignorant complètement qui l'avait amené jusqu'ici, il prit une grande inspiration à travers son écharpe - le froid de  mars était saisissant - et expira à la même intensité. Quand il faisait ses crises de panique, seules de grandes respirations l'aidaient à se sentir mieux. Sans même s'en rendre, ses jambes se croisèrent et il s'assit alors par terre. Voyant qu'en fermant et rouvrant une demi-douzaine de fois les yeux le rêve ne s'arrêtait pas, il comprit alors qu'il ne rêvait pas. Les larmes montèrent instantanément. Presque au même moment, un groupe d'adolescents s'approcha de lui : la panique le gagna totalement et ses yeux se fermèrent une dernière fois malgré lui.

Quand il les rouvrit il était de nouveau debout. Il reprit alors sa marche et ses pas le guidèrent à la rencontre des adolescents qu'il ignora et dépassa avec énergie. La vue gênée par les larmes, Joseph essuya du revers de sa main ses yeux qui, transis de froid, l'empêchaient d'avancer correctement.

Il arriva aux Ebbingdales quelques minutes plus tard et chercha pendant quelques minutes celle dont le nom lui semblait familier. Une fois trouvée, il s'approcha du stand de luxe et, réchauffé par l'air du bâtiment, enleva son écharpe puis enfila son masque : un sourire satisfait se lisait sur les lèvres du sorcier quand il s'adressa à la vendeuse.

- Bonjour Miss. Il sortit la carte de visite de sa poche et la lui présenta. Ceci m'a mené jusqu'à vous. Je voudrais faire un cadeau à ma sœur et je ne doute pas que vous saurez me conseiller Autant être clair dès le début : il sourit, à la fois décontracté et heureux d'interchanger avec quelqu'un. Les relations sociales lui avaient toujours plu, de surcroit depuis que sa notoriété le précédait, à présent. De plus, son interlocutrice était tout à fait charmante.

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